Au revoir là-haut de Pierre Lemaître

★★★★☆ (4/5) — « Je suis très intéressée par la période historique qui concerne la seconde guerre mondiale, et situer la plus grande arnaque dite « aussi spectaculaire qu’amorale » à cette période était, pour moi, osé et culotté. Autant de « qualités » qui m’ont donné envie de lire ce roman. »

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« Je te donne rendez-vous au ciel
Où j’espère que Dieu nous réunira.
Au revoir là-haut, ma chère épouse… « 

Jean Blanchard

⇢ FICHE TECHNIQUE

Titre : Au revoir là-haut
Auteurs : Pierre Lemaître
Editeur : Albin Michel
Genre : Drame, historique
Parution : Août 2013
Nombre de pages : 566
Distinction : Prix Goncourt 2013

⇢ QUATRIEME DE COUVERTURE

« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »

Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…

Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.

Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.

⇢ AVIS

8
NADEGE
Note : ★★★★☆ (4/5)

Au revoir là-haut est un roman que j’ai choisi de lire un peu par hasard. Je suis tombée sur ce titre en rangeant un autre roman à la bibliothèque où je travaille. Son titre m’a interpellée et la 4e de couverture m’a convaincue de l’emprunter. Je suis très intéressée par la période historique qui concerne la seconde guerre mondiale, et situer la plus grande arnaque dite « aussi spectaculaire qu’amorale » à cette période était, pour moi, osé et culotté. Autant de « qualités » qui m’ont donné envie de lire ce roman.

L’histoire en elle-même prend un peu de temps à se mettre en place. Le roman débute avec la fin de la guerre et l’attaque de la cote 113. Les soldats sont à l’aube de l’armistice mais doivent livrer un dernier combat, où plusieurs d’entre eux vont malheureusement sombrer. Albert Maillard en est à deux doigts, jusqu’à ce qu’il soit sauvé in-extremis par Edouard Péricourt, jeune soldat qui en laissera une partie de son visage suite à un éclat d’obus. Un lien unique, fort va alors s’établir entre les deux soldats.

Je l’avoue, c’est la fameuse escroquerie – point central de l’histoire – que je souhaitais le plus découvrir. De par son objet en lui-même, mais également par la manière dont Albert et Edouard allaient la mettre en place. Il faut cependant attendre la moitié du roman pour avoir un début de réponse. Ce qui je l’avoue, est un peu long. Je ne me suis pas pour autant ennuyée, puisque l’histoire continue de suivre son cours.

Lorsque nous découvrons finalement dans quelle « aventure » nos deux héros (ou plutôt anti-héros) se lancent, je l’avoue, j’étais profondément perplexe, comme Albert. Mais après de longues explications et la ténacité d’Edouard, je me suis également laissée prendre et j’ai trouvé l’idée purement ingénieuse. Je tire, d’ailleurs, mon chapeau à Edouard (et donc à l’auteur) pour cette invention, même si pour cela, on manque totalement de respect aux soldats morts. Mais envers les profiteurs de la guerre (dont Henry d’Aulnay-Pradelle), c’est un juste retour des choses.

L’auteur nous offre quelques frayeurs vers la fin du roman. Edouard et Albert vont-ils pouvoir mener à bien leur arnaque, jusqu’à son point final ? Je vous laisse la surprise, mais je suis très contente de la fin imaginée par l’auteur, car il y en a une. Pour cette histoire, je préfère une conclusion claire et nette plutôt qu’une fin ouverte.

Venons-en aux personnages. Albert et Edouard, ces anti-héros par excellence. Ce sont des « délaissés » au sein de la société de l’après-guerre, des survivants à qui on avait promis monts et merveilles et qui finissent par devoir se battre pour vivre. Je suis certaine que ces faits sont tirés de la réalité. La dette allemande était telle que même les pays vainqueurs ont eu du mal à se relever de cette bataille. Je me suis beaucoup attachée à eux. Car peu de personnes s’y intéressent. On les accueille comme des héros pour les oublier aussitôt. Les mettre en scène est une manière de rendre hommage à tous ces soldats oubliés. De montrer aussi le quotidien de milliers d’entre eux.

J’ai eu vraiment l’impression de personnages incomplets, à qui la guerre a tellement pris. Edouard a refusé de retourner à sa vie d’avant, auprès de sa famille. On pourrait y voir de l’égoïsme, mais je pense surtout qu’il a cherché à se protéger. Pour lui, il n’est plus Edouard Péricourt, c’est juste un corps, avec un semblant de vie à l’intérieur. Il a attendu la mort jusqu’à se résoudre à vivre, avec un projet : celui de se venger. Albert est un fidèle ami. La vie n’est pas facile, mais il a décidé de se battre pour permettre à son camarade de vivre le plus paisiblement possible, même si cela lui coûte beaucoup. Comme l’auteur le dit lui-même, ils finissent par former un petit couple atypique.

La petite Louise est l’enfant de la propriétaire de la chambre qu’Albert et Edouard louent. Elle se lie d’amitié avec les deux hommes et est même très proche d’Edouard. Je pense sincèrement qu’elle est une bouée de sauvetage pour lui. Leur proximité est vraiment touchante. Le penchant féminin d’Albert porte le nom de Pauline, la bonne de la famille Péricourt (c’est culotté !). Leur relation ne m’a pas spécialement intéressée, mais j’étais cependant contente pour Albert d’avoir cette lumière dans l’obscurité dans laquelle il évolue.

Une obscurité dont un certain Henry d’Aulnay-Pradelle en est un peu à l’origine. Un type de la pire espèce, et je vais en rester à des termes polis. C’est le personnage que l’on déteste dès le départ et notre ressentiment se renforce au fur et à mesure de notre lecture. Ses ambitions et ses actions pour y parvenir m’ont donné la nausée. Il est cependant un des personnages central, je ne peux donc ne pas le mentionner. Mais j’en reste ici. Car au final, il y a très peu de choses à ajouter à son sujet.

L’auteur était pour moi, une plume totalement inconnue même si j’en avais déjà entendu parler. Son style m’a donc particulièrement interpelée dès le départ. Je l’ai dit plus haut, l’histoire prend du temps avant de démarrer. Le style y est notamment pour quelque chose. Un style décousu, des longueurs dans les phrases… Cela rend l’ensemble très décousu, parfois difficile à saisir (j’ai dû, parfois, m’y reprendre à deux fois en lisant certaines phrases). Je ne sais pas si c’est le style habituel de l’auteur, ou si celui-ci colle aux circonstances du roman, mais je m’y suis finalement faite. Cela m’a beaucoup moins dérangée vers le milieu jusqu’à la fin de l’histoire. Mais cela peut être décourageant pour certains lecteurs.

La construction du roman est également un point que je souhaiterais soulever. Ainsi, chaque chapitre est consacré à un personnage, et on suit ainsi le même cheminement tout du long. On passe ainsi d’Albert (et Edouard) à Henry, pour ensuite enchaîner sur le père Péricourt et ainsi de suite. Cela m’a permis de ne pas m’ennuyer durant ma lecture, car lorsque l’on souhaite connaître la suite de l’histoire pour tel personnage, on est obligé de passer par un autre pour en savoir plus. Cela permet également de donner un certain rythme à l’ensemble.

En conclusion, Au revoir là-haut est un excellent roman et je comprends maintenant d’autant mieux sa reconnaissance avec le prix Goncourt en 2013. Il est cependant à conseiller pour un public averti, car l’histoire est vraiment dérangeante, et la vision que l’on a des peuples vainqueurs et de la guerre peut être bouleversée après cette lecture. Mais si l’occasion se présente pour vous, je ne peux que vous encourager à le découvrir et à vous en faire votre propre opinion.

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